Depuis le début du siècle, le cinéma est-asiatique connaît une popularité croissante. Il est le reflet d'une société qui n'a pas toujours voulu de lui, entre dictature et censure passée et présente. La revue Sinosphère propose une analyse sociétale du monde chinois par la biais de son cinéma, cette newsletter introductive va en préciser le rôle.
Le cinéma est arrivé en Asie dès la fin du 19ème siècle. Peu après la création du Cinématographe, en 1896, les frères Lumières envoient un cameraman à Shanghai, exposant tout un continent à cette nouvelle technologie. Il faudra attendre quelques années pour voir apparaître le premier film chinois "La Montagne Dingjun" (1905), qui est l'enregistrement d'une représentation à l'Opéra de Pékin.
Comme dans de nombreux pays, les années 30 représentent un âge d'or pour le cinéma chinois, avec l'apparition des premières grandes stars du cinéma national. Le guerre sino-japonaise, débutée en 1937, marque un coup d'arrêt dans la production audiovisuelle. De nombreux réalisateurs prennent alors la direction de Hong Kong.
Il faudra attendre la période d'après-guerre pour voir apparaître un second âge d'or, marqué par le retour des studios de cinéma sur Shanghai. Le film "Printemps dans une petite ville" de Fu Mei (image ci-dessous), est l'un des films marquant de cette époque, en étant considéré aujourd'hui comme l'un classique du cinéma chinois.
"Printemps dans une petite ville" de Fei Mu (1948) Source : Festival des 3 continents
L'après-guerre va marquer un regain de l'activité cinématographique chinoise, mais dans un secteur de plus en plus contrôlé. S'inspirant du modèle soviétique, les films, en dehors de leurs qualités intrinsèques, sont tachées de propagande. La censure a continué durant toute la période de la révolution culturelle (1966-1976), le fort contrôle étatique se réduit ensuite, mais ne disparaît jamais vraiment.
Ces évènements historiques vont obliger les cinéastes à se réinventer. Pour critiquer le parti au pouvoir, il faudra être plus subtil, une nouvelle génération de réalisateurs va faire son apparition. Le film le plus significatif est "Terre Jaune" (1984) de Chen Kaige, sur le thème de la liberté, le film attaque le pouvoir de manière créative et fera une présence remarquée au festival international du film de Hong Kong. La liberté d'expression (déjà relative), sera mise à mal avec les évènements de la place de la place Tian'anmen en 1989, qui vont causer une fuite d'artistes et cinéastes vers l'étranger.
Avec le développement de la mondialisation, l'industrie cinématographique chinoise a souhaité s'exporter à l'étranger. Le film "Tigre et Dragon" (1999) de Ang Lee connait un succès considérable à l'étranger, il génère plus de 100 millions de dollars aux Etats-Unis. Actuellement, si l'on caricature un peu, la proposition audiovisuelle chinoise se compose en grande partie de blockbusters d'action.
Le film "Wolf Warrior 2" (2017) de Wu Jing est devenu en un temps record le plus grand succès de l'histoire du cinéma chinois avec plus de 900 millions de $ de recettes. En sortant durant l'été, le film a pu profiter de l'absence de gros concurrents internationaux. En effet, les films étrangers sont interdits de sortie en Chine durant les mois d'été.
Wolf Warrior de Wu Jing (2017) / Source : Célina Horan - Creative Commons
Malgré un succès considérable, le film n'a presque pas fait l'objet d'une exportation à l'étranger (hormis en Australie). D'une manière générale, le faible export est l'une des raisons du manque de connaissance de l'Occident sur le cinéma chinois.
C'est principalement pour cette raison que le gain d'intérêt des occidentaux pour le cinéma asiatique passe en grande partie par les films hongkongais, coréens (et dans une plus faible mesure japonais), et non les films chinois. De plus la politique autarcique menée par la Chine durant de nombreuses décennies appuie ce phénomène de méconnaissance.