Le football chinois a toujours eu une histoire mouvementée. Pendant la quasi-totalité du 20e siècle, il est resté invisible aux yeux du monde. Il se professionnalise dans les années 1990, et accueille peu après des stars mondiales du football. Mais un élément a aussi bien popularisé le championnat que causé sa perte : l'aspect financier.
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La plupart des histoires sont conçues de la même manière : une situation initiale, un climax et une chute. Cette structure narrative de base, on la retrouve dans les livres, dans les films, mais aussi dans la vraie vie. Ces histoires ont parfois une belle fin, parfois non, et parfois, elles permettent de se remettre en question… Si l’on choisit de narrer l’histoire du football en Chine, c’est plutôt la troisième option qui se dessine.
Cette nouvelle newsletter s’annonce comme un petit défi. Faire d’une pierre deux coups, intéresser aussi bien les fanas de ballon rond que les néophytes. Et sur un sujet aussi vaste que “le foot en Chine”, ce n’est pas une mince affaire ! Je prends tout de même le risque…
Pour ceux, au fond de la salle, chez qui le nom de Messi ou Ronaldo ne provoque rien de particulier, je vous propose un petit retour aux bases. Le football est un sport plutôt simple à comprendre : deux équipes de 11 joueurs s’affrontent et chacune d’entre elles doit pousser un ballon dans le but adverse.
Des règles simplissimes, rédigées en 1848 par des élèves de l’université de Cambridge, en Angleterre. Coucher ces règles sur la papier, cela avait pour but d’harmoniser les nombreux jeux de balles pratiqués dans les écoles anglaises.
En effet, certaines écoles jouaient seulement au ballon avec les pieds, c’était le “dribbling game”, tandis que d’autres se permettaient d’utiliser les mains. Notamment l’université de Rugby, qui, vous l’aurez compris, donnera son nom à la discipline éponyme.
Le football, dans ses racines, paraît donc intimement lié à l’Angleterre. Pourtant, si l’on interroge la FIFA sur la question, la réponse à de quoi surprendre. Sur leur site internet est indiqué : “la plus ancienne forme de football vient de Chine”.
Le Cuju, originaire de Chine, est largement considéré comme "l'ancêtre ultime du football". Source image : site de la FIFA
Le football n’est pas sorti comme par magie de l’esprit d’un étudiant anglais. Jouer avec des objets ronds, comme un ballon, ça paraît même plutôt naturel, et il n’a pas fallu attendre le 19e siècle pour cela. Mais alors une question se pose : qui a eu en premier l’idée de mêler ballon et jeu au pied ? De nombreuses disciplines se revendiquent comme étant “l’ancêtre du football”. Partons ensemble à la recherche du plus ancien d’entre eux…
Dans la liste des ancêtres potentiels, le Calcio florentin, d’origine italienne, est la plupart du temps bien placé. Pratiqué dès le 15e siècle, il ressemble dans ses grandes lignes au football : deux équipes, un ballon et deux buts opposés. En revanche, ce calcio se distingue du football par sa très grande violence. Tous les coups sont permis pour amener la balle dans le camp adverse. Les parties causent souvent des blessés, parfois des morts, et finissent souvent en bagarre générale.
Retour en arrière, et direction la France, à l’époque du Moyen Âge classique (11e siècle). Dans la partie nord-ouest du royaume, on pratique la soule. Cette sport pourrait se vanter d’avoir autant inspiré le football que le rugby. Encore une fois, deux équipes (parfois des villages entiers) s’affrontent pour emmener une balle “la choule”, dans un but précis, le plus souvent une mare. À noter que, le plus souvent, les équipes avaient la même mare à atteindre.
Revenons maintenant sur l’affirmation de la FIFA qui indique que “la plus ancienne forme de football vient de Chine”. Voyageons dans le temps, bien avant les deux exemples susmentionnés, au 3e siècle avant notre ère…
Sous la dynastie Han (206 av. J.-C.), le Cuju est un sport très apprécié. Initialement, il s’agissait d’un exercice militaire, qui fut ensuite pratiqué par toutes les classes sociales. Comme pour le calcio et la soule, deux équipes s’affrontent avec un ballon, et doivent marquer des buts. Dans sa forme la plus populaire, le cuju ne comportait qu’un seul but, placé en hauteur au centre du terrain. Le sport a connu son pic d’intérêt entre le 10e et le 13e siècle avant de disparaître peu à peu.
En 1913, la Chine a disputé le premier match international de son histoire face aux Philippines. Source image : Librairie de l'université du Minnesota.
Suite à ce petit cours d’histoire ancienne, direction l’époque moderne. Au début des années 1900, le football est bien loin de sa popularité actuelle. En France, les clubs se comptent sur les doigts d’une main, tandis qu’au niveau international, les occasions de faire connaître la discipline sont encore assez rares. Le sport fut présenté pour la première fois aux Jeux Olympiques de Paris en 1900, soit trente ans avant la première Coupe du Monde.
Dans de nombreux pays, l’apparition du football s’est faite par le biais de britanniques installés sur leur territoire. Une affirmation valable aussi bien pour la France que pour l’Asie :
En France, les premiers clubs historiques sont créés par des britanniques, et n’accueillent pas de joueurs français. La pratique du sport est encore réservé à une élite. Le bien nommé “Club Français”, fondé en 1892, est le premier club du territoire à être fondé par des français. Le club remportera son unique titre, un championnat de France, en 1896.
En Asie, le football arrive d’abord à Hong-Kong, alors colonie britannique. En 1904, est crée le “South China AA”, premier club du pays à être fondé par des chinois. Le club jouera (et remportera) sa première compétition six ans plus tard, pour la 1ère édition des jeux nationaux de Chine.
Pour le moment, la Chine ne compte qu’une petite poignée de clubs et ne dispose pas encore d’équipe nationale. Mais l’occasion va rapidement se présenter… En 1913 seront organisés les premiers jeux de l’Extrême-Orient. Les épreuves se déroulent aux Philippines, un territoire alors sous contrôle américain.
La Chine (alors “République de Chine”, suite à la chute l’année passée de la dynastie Qing), souhaite présenter une équipe à la compétition. Les joueurs sélectionnés seront ceux de l’équipe South China AA, la plus “compétitive” à l’époque. La Chine va ainsi disputer cette année-là, le premier match international de son histoire, face aux Philippines, une défaite 2-1.
Deux ans plus tard, en 1915, la Chine va remporter son premier tournoi international, une nouvelle édition des jeux d’Extrême-Orient, qui se tiennent à Shanghai malgré la forte instabilité politique sur place (victoire 1-0 face aux Philippines, en finale).
En 1948 s'est joué le dernier match d'une Chine "unifié", une défaite 4-0 face à la Turquie. Source image : Alamy
Jusqu’ici assez renfermé sur lui-même, le pays a pour volonté de s’internationaliser et de créer un cadre légal autour de sa pratique footballistique. La Fédération de Chine de Football est fondée en 1921, mais ne sera reconnue par la FIFA que dix ans plus tard, lui permettant alors de performer contre des équipes du monde entier.
En 1936, à l’occasion des Jeux Olympiques de Berlin, la Chine affronte pour la première fois une équipe en dehors d’Asie : une défaite 2-0 contre la Grande-Bretagne. Alors que ce match aurait pu ouvrir la porte au développement du football en Chine, l’histoire va marquer un grand “stop”.
L’année suivante, l’armée impériale japonaise s’installe sur les terres chinoises, et y commettent de nombreuses exactions. C’est le début de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945). Naturellement, pendant cette période, aucune compétition sportive n’est organisée dans la région.
Seule exception, des matchs de football seront bel et bien disputés lors des “Jeux est-asiatiques”, organisés à Tokyo en 1940.
Toutefois, ces matchs ne seront pas reconnus par les instances du football.
D’autre part, les joueurs chinois d’avant-guerre ne seront pas conviés à l’évènement. Seuls des états faussement indépendants ou collaborationnistes seront invités à participer (le Mandchoukouo ou la République de Chine, à l’époque tous deux sous contrôle japonais).
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, et donc de l’occupation japonaise, la Chine cherche de nouveau à s’octroyer une reconnaissance internationale. En 1948, le pays participera aux Jeux Olympiques de Londres. Un passage éclair, la Chine jouera un seul match, une défaite 4-0 contre la Turquie.
La performance est anecdotique, la symbolique du match est en revanche très forte. La Chine vient de disputer son dernier match sous sa forme “unifiée”.
Pendant ce temps, le pays est frappé par une guerre civile, opposant communistes et nationalistes. Cette “guerre civile chinoise” prendra fin en 1949 avec une issue bien connue. Les vainqueurs communistes fondent la RPC (république populaire de Chine), les vaincus nationalistes s’enfuient sur l’île de Taïwan.
La troisième place de la Chine en coupe d'Asie en 1976 fait presque figure d'exception. À l'international, la sélection va enchaîner les performances décevantes. Source photo : Baidu
La Chine se dote en 1951 d’un championnat national, qui gardera un niveau amateur pendant près d’un demi-siècle.
La Chine “sous sa nouvelle forme communiste” dispute son premier match l’année suivante. Encore une fois, la performance n’est guère réjouissante (défaite 4-0 contre la Finlande), et encore une fois, l’histoire va marquer un “stop” aux prétentions sportives du pays.
Dès 1958, la Chine va décider de son plein gré de ne plus participer aux compétitions de la FIFA (la Coupe du Monde entre autres). La raison ? La Chine n’accepte pas que la FIFA laisse Taïwan participer à ses compétitions sportives sous le nom de “république de Chine”, car cela met à mal la volonté communiste d’une “Chine unifiée”.
Dès lors, la Chine ne jouera que des matchs amicaux, et que contre des équipes ne reconnaissant pas la souveraineté de Taïwan. L’équipe chinoise se retrouve de ce fait invisibilisée au niveau international.
Ce creux sportif et diplomatique va durer pendant plus d’une décennie. En 1971, la Chine communiste prend la place de la république de Chine (Taïwan) aux Nations Unies, qui représentait ses intérêts depuis l’après-guerre. Au niveau sportif, cette mesure (résolution 2758 de l’assemblée générale de l’ONU) a une incidence notable, et pas que pour le football…
Désormais, seule la Chine continentale pourra porter le nom de “Chine”. Taïwan devra porter le nom de “Taipei chinois” lors des compétitions sportives, notamment les JO.
Avec cette résolution, la Chine peut désormais participer à la Coupe du Monde, compétition de la FIFA. Mais en dehors de son continent, elle enchaînera les performances décevantes.
La sélection n’arrivera pas à se qualifier pour la Coupe du Monde de 1982, ni pour celle de 1986, de 1990, de 1994, de 1998… bref, il faudra attendre 2002 pour que la Chine se qualifie pour sa première (et seule à l’heure actuelle) Coupe du Monde de son histoire.
À l’aube des années 1990, face aux piètres performances de l’équipe nationale comme du championnat, de l’argent va (enfin) commencer à être posé sur la table pour rendre le sport plus populaire à l’intérieur de ses frontières.
Au début des années 2000, corruption et hooliganisme envahissent le football chinois, la dégradation du stade de Xi'an en 2002 en est un exemple particulièrement parlant. Crédit photo : dongquidi
Le football chinois est longtemps resté invisible aux yeux du monde, au moins jusqu’aux années 1990. Le championnat a gardé jusqu’ici un niveau très faible, et n’a pas fait encore éclore de pépites prometteuses.
Pour voir un joueur chinois rejoindre pour la première fois un championnat étranger, il faudra attendre aussi tard que 1987, avec le transfert de Xie Yuxin dans le championnat des Pays-Bas.
Un date bien tardive. Si l’on compare avec d’autres pays d’Asie, Japonais et Coréens avaient déjà posé pied à terre dans les championnats européens depuis plus d’une décennie (transfert de Yasuhiko Okudera en Allemagne en 1977, transfert de Cha Bum-geun en Allemagne en 1978).
Dans le championnat chinois, à cette époque, les équipes appartiennent à l’État et sont gérées par des collectivités locales. Il existe quelques cas d’équipes possédées par des entreprises (celle de la Dalian Dockard, une société de construction navale, par exemple), mais elles n'ont pas le droit de participer au championnat national.
En 1987, les investisseurs privés commencent à pouvoir entrer dans la boucle. Un championnat semi-professionnel, en deux divisions, est créé cette année-là.
Dans les premières années, les entreprises peuvent être sponsors des clubs, mais n’ont pas le droit d’en posséder. Cette restriction sera levée en 1994, avec une professionnalisation du championnat, et une hausse des moyens financiers.
Mais l’intérêt des entreprises ne suffit pas, il faut également un intérêt de la population. Le gouvernement chinois se met à retransmettre à la télévision les grands championnats européens. À l’heure où des stars comme Cantona, Maldini ou Bergkamp foulent les terrains, l’idée est de “donner la fibre du foot à une population qui ne la possède pas de base”.
Hélas, à l’aube du 21e siècle, le bilan n’est pas réjouissant. On parle plus du championnat en raison de ses scandales que de ses performances sportives. Le hooliganisme et la corruption sont des pratiques courantes…
Un cas de hooliganisme très marquant. En 2002, un match de championnat voit s’affronter deux provinces : Qingdao contre Shaanxi. Un pénalty fait basculer la rencontre du côté des joueurs de Qingdao. En représailles, les supporters de l’équipe adverse saccagent et incendient le stade. L’arbitre est évacué d’urgence par la police.
Face à une situation qui s'envenime, l'arbitre du match, Zhou Weixin, est évacué d'urgence par la police. Source image : dongquidi
En raison de sa mauvaise image, le championnat chinois souhaite se rationaliser en 2004 en prenant une nouvelle forme : la CSL (China Super League), qui existe encore à l’heure actuelle.
Les clubs disposent alors de plus de libertés décisionnelles et financières. L’enjeu est aussi sportif, deux places sont réservées aux clubs pour se qualifier en Ligue des champions Asiatique.
La première saison de la CSL est accueillie avec ferveur par les médias nationaux. Déjouant les pronostics en raison de difficultés financières, l’équipe de Shenzhen remporte le championnat.
Malheureusement, les vices du passé ne vont pas disparaître. La corruption du championnat est encore omniprésente : autant du côté des arbitres (qui accordent des décisions généreuses) que du côté des joueurs (qui parient sur l’équipe adverse et sabotent leurs performances).
Ces scandales vont créer une perte d’intérêt du championnat pour les spectateurs. Dans la plupart des rencontres, les stades restent tristement vides.
En 2009, des scandales de matchs truqués, ayant eu lieu sur les six années passées, sont révélés. Cette enquête, menée par le ministère de la Sécurité publique, mène à l'arrestation de nombreux dirigeants. L'équipe de Shanghai est destituée d'un titre obtenu en 2003, des arbitres et joueurs sont condamnés à de lourdes peines de prison. Sept matchs sont concernés, et plus d'une centaine de personnes font l'objet d'une condamnation.
Après ce gros coup de filet, le championnat semble fin prêt pour repartir sur des bases saines. Une bonne nouvelle, aussi bien pour les spectateurs que pour les entreprises qui possèdent les clubs. Le championnat chinois s’apprête à vivre la décennie la plus faste de son histoire…
Qui dit "Chine" dit souvent "folie des grandeurs". La plus grande école de football au monde est sortie de terre en 2012, dans le sud du pays. Source photo : TheSun
Pour comprendre la suite de l’histoire, une phrase toute bête suffit : Xi Jinping aime le foot. En tant qu’amateur de ballon rond, le vice-président dès 2008, puis président dès 2013 va définir une ligne politique claire : “il faut que le football chinois devienne le meilleur au monde”.
Le football va alors devenir un devoir patriotique, et pour faire plaisir au chef, la population comme les entreprises ne vont pas lésiner sur les moyens.
Sur la base d’un exercice de pensée simpliste “il est impossible qu’un pays de 1,3 milliard d’habitants ne puisse pas aligner 11 joueurs corrects”, des entrepreneurs vont tenter tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi), au travers d’une vraie folie des grandeurs…
La plus grande folie, c’est sans aucun doute celle de “l’académie chinoise de football”, la plus grande au monde, évidemment. Sortie de l’esprit d’un grand patron chinois, puis sorti de terre en 2012, les chiffres sont vertigineux : 80 terrains, 150 entraîneurs (dont certains venus du Real Madrid, rien que ça) et 2600 élèves, des garçons et des filles, formés dès le plus jeune âge…
À l’entrée de l’établissement, une réplique géante de la Coupe du Monde, rappelait l’objectif affiché par l’école : reporter la Coupe du Monde de 2022 au Qatar… un objectif, qui forcément après coup, parait gourmand, vous en conviendrez. Xi Jinping exposait comme ambition “plus réaliste” (c’est relatif) d’être champion du monde pour 2030, affaire à suivre, donc.
Et qui dit Chine, dit discipline militaire, bien entendu… deux heures de sport par jour, six jours sur sept, un système de hiérarchie et de délation très présente. Pour rester dans l’équipe première, les heures supplémentaires sont de mise.
Et pour assurer ce devoir patriotique, les jeunes sont assurés d’avoir la pression du gouvernement, des entraîneurs, et des parents… qu’ils aiment ou non le foot. Bonne ambiance.
Comme on va s’en rendre compte rapidement, cette école n’a pas eu l’effet escompté ni sur les performances sportives de la sélection chinoise, ni sur l’éclosion de pépites prometteuses.
Pour faire exploser le football en Chine, les entreprises vont dépenser de façon déraisonnée. En 2017, les dépenses en transfert vont atteindre près de 400 millions d'euros. Source image : VCG Photo
L’école de football mise sur l’avenir, mais pour s’assurer que la championnat soit attractif dans les plus brefs délais, les entreprises vont investir massivement dans la ligue.
La Chine va dévaster le marché de transfert, et le mot n’est pas faible. Les clubs vont acquérir des joueurs pour des montants considérablement excessifs.
En 2016, Hulk est transféré pour 55 millions d’euros, Teixeira pour 50 millions, Jackson Martinez pour 42 millions, Ramires pour 28 millions… l’année suivante, Oscar est transféré pour 70 millions d’euros !
Les dépenses globales de transfert sont titanesques, bien au-delà de la rentabilité de la ligue chinoise. Elles atteignent 170 millions d’euros en 2015, 260 millions d’euros l’année suivante, puis 388 millions à son pic en 2017.
Bien sûr, en plus des montants des transferts, les salaires sont aussi très élevés. Les joueurs étrangers de l’époque parlent souvent “d’un intérêt sportif”… un comble, alors que leurs salaires était parfois multiplié par dix en arrivant en Chine.
Beaucoup d’argent, peu de recettes, un cocktail explosif qui a mené à un effondrement qui semblait inévitable.
Vainqueur de la Super League en 2020, le Jiangsu Suning fera faillite l'année suivante, preuve d'un effondrement économique rapide du championnat chinois. Source photo : 36kr
Les montants dépensés sont beaucoup trop élevés par rapport à ce que rapporte la ligue. Une ligue attractive pour les joueurs étrangers, mais pas pour les spectateurs chinois, qui désertent les stades. La Super Ligue à du plomb dans l’aile et se retrouve endetté à hauteur de 500 millions d’euros.
Face à des finances trop instables, c’est toute une stratégie sportive et financière qui s’apprêtait à chuter aussi rapidement qu’elle avait atteint les sommets.
Le gouvernement va mettre en place plusieurs politiques pour “limiter la casse”, pour assainir les comptes et réguler le marché. Voici les trois mesures principales :
En 2018, le gouvernement met en place un quota de joueurs étrangers (cinq maximums sur la feuille de match, et trois en jeu). De plus, les transferts de joueurs étrangers sont taxés à 100%, autrement dit, ils coûtent deux fois plus chers aux clubs. Le but affiché, plutôt logique, “laisser sa place aux talents locaux”.
En 2019, des sanctions sportives (amendes, retraits de points…) visent les clubs qui feraient des transferts supérieurs à 5,5 millions d’euros. Une sorte de fair-play financier… adieu les stars.
En 2020, une décision va encore plus limiter la venue de “stars étrangères”, une limitation des salaires, désormais fixés à 3 millions d’euros par an. Cette limitation n’étant pas rétroactive, certains joueurs, ayant signé des contrats pendant “l’époque dorée”, bénéficient toujours de juteux salaires.
Fini les dépenses à gogo, on peut repartir sur des bases stables maintenant, non ? Eh bien non, il était déjà trop tard. Le bateau du football chinois était en train de couler, et les mesures gouvernementales n’ont fait que ralentir son naufrage. Preuve de ce naufrage économique, le club du Jiangsu Suning, pourtant champion en 2020, fera faillite l’année suivante.
De nombreux clubs de cette “époque dorée” ont été abandonnés par leurs propriétaires et font désormais partie, hélas, de l’histoire ancienne. D’un point de vue financier, c’est plutôt logique. Si une entreprise se retrouve en difficulté, elle va d’abord abandonner “le moins utile”, ici, le fait de posséder un club de football.
Le championnat chinois tout comme la sélection nationale n'atteindront probablement jamais les sommets... et si l'espoir reposait sur l'équipe féminine ? Finaliste de la coupe du monde et nonuple vainqueur de la coupe d'Asie. Source photo : Olympics.
Une chute cruelle, rapide. Finalement, est-ce une fatalité ? Pour conclure, ma première idée était d’utiliser un jeu de mot pas vraiment beau ni drôle “les chinois : pas fous de foot”. La phrase est toutefois cohérente : malgré toute la volonté du monde, le football n’est pas encré culturellement en Chine, et passionner plus d’un milliard d’habitants n’est pas chose aisée.
Ma deuxième idée pour conclure se veut moins tranchée, pour finir sur un peu d’espoir, comme toute belle histoire (référence à mon introduction, si vous vous en souvenez encore…)
Certes, la Chine n’est pas un pays de foot. Mais ce serait une erreur d’invisibiliser les supporters qui existent bel et bien. Des amoureux du ballon rond, il y en a beaucoup en Chine. Que leur championnat n’ait pas un niveau flamboyant, peu importe. Ils supportent leur club local, leur club de cœur, et viennent remplir les travées du stade, qui, même si elles se remplissent timidement, se remplissent quand même…
Le faible niveau de l’équipe nationale ne mine pas le moral des joueurs. Elle ne sera probablement jamais une grande équipe, jamais un Brésil, jamais une Italie, jamais une Allemagne… “pas grave, l’important, c’est de faire de son mieux à chaque fois”.
Et ce serait une terrible erreur de ne parler que des hommes, tant l’équipe féminine ridiculise ses compatriotes masculins au niveau du palmarès. Les chinoises, de leur côté, peuvent se vanter d’avoir été finalistes de la Coupe du Monde en 1999 (oui, oui) et nonuple championnes d’Asie, rien que ça…